Rapport d’activité et de développement durable 2020

Entretien avec Amélie Lummaux, Directrice du Développement durable et des Affaires publiques

Chapitre 3. Transformer

Entretien avec Amélie Lummaux, Directrice du Développement durable et des Affaires publiques

NOUS DEVONS ACCÉLÉRER LA TRANSITION VERS UNE AVIATION NEUTRE EN CARBONE.

Directrice du Développement durable et des Affaires publiques, Amélie Lummaux présente les grands enjeux de responsabilité environnementale et sociétale du Groupe ADP. Pour elle, le secteur aérien tout entier vit un tournant de son histoire et le Groupe entend bien jouer un rôle moteur dans les changements qui s’annoncent.

Amélie Lummaux, 

Directrice du Développement durable 
et des Affaires publiques

Dans le monde de l’après Covid-19, la question de l’empreinte environnementale du transport aérien et donc des aéroports va se poser de façon encore plus centrale. Où en est le Groupe ADP sur ces sujets ?

Nous n’avons pas attendu la crise pour agir. Sur la période 2009-2019, nous avons diminué de 71 % les émissions de CO2 par passager sur les aéroports parisiens en agissant sur différents leviers : développement des énergies renouvelables (centrale géothermique, centrale biomasse, panneaux solaires photovoltaïques), amélioration de la performance énergétique des installations, verdissement de nos flottes de véhicules. Nous renforçons également notre collaboration avec les compagnies aériennes pour les aider à réduire leurs émissions au sol. À Paris, nous visons la neutralité carbone à horizon 2030, puis le zéro émission nette d’ici 2050. Et à l’international, six aéroports de notre réseau ont déjà atteint la neutralité carbone à fin 2020. Aujourd’hui, nous voulons aller encore plus loin et participer aux efforts de nos partenaires.

Les progrès sont notables, mais comment accélérer la baisse des émissions du transport aérien ?

Oui effectivement, pour que le transport aérien – lequel ne représente que 2 à 3 % des émissions de CO2 dans le monde – réussisse sa sortie de crise, sa transition écologique doit être plus rapide. À ce titre, 2020 restera comme un tournant. L’annonce faite en octobre, selon laquelle l’avion à hydrogène d’Airbus, donc à zéro émission de CO2, doit être prêt pour 2035 marque une accélération d’à peu près 10 ans sur le programme de recherche de l’avionneur européen.

Pour l’exploitant d’aéroports que nous sommes, cela implique d’engager sans attendre une réflexion en vue de l’aménagement futur de nos infrastructures, pour que le moment venu, nous puissions assurer l’avitaillement des avions en hydrogène liquide. Et les usages de l’hydrogène ne se cantonnent pas qu’aux avions. Il nous faut bâtir et organiser une filière hydrogène en aéroport et pour cela, nous avons lancé un appel à manifestation d’intérêt inédit avec la Région Île-de-France, Air France-KLM et Airbus. L’hydrogène, c’est un vecteur d’énergie qui change la donne et permet d’envisager une aviation zéro CO2 en 2050 à l’échelle européenne.

2020 a aussi vu une accélération sur la question des biofuels et des nouveaux carburants aéronautiques durables. En France, l’appel à manifestation d’intérêt du gouvernement nous a permis de soutenir cinq projets de développement et de production, que nous espérons voir se concrétiser au plus tôt.

L’hydrogène, c’est un vecteur d’énergie qui change la donne et permet d’envisager l’aviation zéro CO2 en 2050 à l’échelle européenne.

La protection de la biodiversité est-elle éclipsée par la lutte contre le réchauffement climatique ? 

2020 devait être une année charnière pour la défense de la biodiversité avec la tenue de la COP15 prévue en Chine mais qui, à cause de la pandémie, n’a pas pu se tenir. Le Groupe ADP a toutefois accentué ses engagements dans ce domaine. Toutes nos plateformes progressent vers le « zéro phyto », à l’image de Paris-Orly qui n’en utilise plus depuis 2015. Pour mieux prendre en compte la biodiversité dans nos choix d’aménagement, nous sommes en train de nous doter d’indicateurs de mesure spécifiques. Nous allons aussi lancer une étude sur le « zéro artificialisation nette » afin d’apprécier les opportunités de désimperméabilisation, c’est-à-dire de déconstruction, pour rendre certaines zones foncières à la nature. Enfin, nous devons nous assurer que nos choix d’achats (fournitures, matériels, etc.) intègrent aussi le critère de la biodiversité. Tous ces sujets rejoignent l’enjeu national incarné notamment par la Convention citoyenne pour le climat et l’objectif de zéro artificialisation nette, qui aurait probablement fait l’objet de débats à l’échelle internationale si la COP15 sur la biodiversité avait eu lieu.

La crise donne l’occasion de réinventer notre modèle aéroportuaire et de l’inscrire sur le long terme dans une vision citoyenne et éco-responsable.

L’activité d’un aéroport impacte forcément les territoires alentour. Que s’est-il passé cette année dans la relation avec les territoires et les communes riveraines ? 

La cohésion et le lien social qu’entretiennent nos aéroports avec les territoires ont été renforcés à l’aune de la crise sanitaire dans la mesure où nous avons eu une mobilisation solidaire sans précédent : mise à disposition de certains personnels auprès de l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris (AP-HP), dons de tablettes pour permettre aux malades de garder le lien avec leurs familles, volontariat de salariés du groupe en activité partielle donnant de leur temps pour contribuer à des missions d’intérêt général... Durant le premier confinement, Paris-Orly s’est transformé en zone d’évacuation de malades hors de l’Île-de-France et Paris-Charles de Gaulle a assuré une activité cargo médical pour l’approvisionnement du pays en matériel indispensable. Bien sûr, au-delà de cet élan solidaire, nous continuons de travailler avec l’écosystème local en faveur de l’emploi, en mesurant l’impact de la crise, en aidant à en atténuer les effets par des programmes d’accompagnement à la formation, et en préparant la reprise et l’orientation vers les filières résilientes.

Quelle est votre feuille de route pour 2021 ? 

2021 sera probablement encore une année de transition étant donné que la crise perdure, mais c’est également l’occasion de réinventer notre modèle aéroportuaire, et d’inscrire une nouvelle vision citoyenne et éco-responsable sur notre feuille de route à long terme. L’un de nos défis principaux de l’année à venir sera de faire la preuve que l’atteinte du zéro émission CO2 pour l’aviation européenne est crédible. C’est une condition essentielle pour la préservation de notre activité sur le long terme.